Le
dessin byzantin, une manière d’être
La profondeur de l’icône est devant, devant l’image, dans
le corps de la personne qui la contemple. La volonté des « peintres de
vie », zographes byzantins, chrétiens des premiers siècles, touchés par la
nécessité d’exprimer leur expérience par l’image, a été de créer une façon
spéciale de représenter l’espace, un espace qui embrasse le spectateur. Ce
n’est pas son point de vue qui est au centre et projeté vers l’extérieur, mais
par un renversement de perspective, c’est le saint ou la fête qui s’avance vers
lui et l’englobe. C’est une expérience à tenter : se tenir devant l’icône
en silence et attendre qu’elle s’adresse à vous.
Une relation peut s’établir qui n’est pas seulement
d’ordre esthétique. Le langage plastique de l’icône est très sobre, très
contenu et en même temps très direct. Les grandes lignes de force ont un rôle
fondamental, elles nous atteignent avant les détails, avant même que nous
reconnaissions le contenu de la scène. Cela est lié à la composition de
l’icône, à la géométrie de base, la charpente de l’image.
Pour entrer dans le mystère, tenter de comprendre, nous
copions avec une patience infinie ces lignes chargées de sens. Dessiner d’après
un modèle demande une mobilisation de toutes nos capacités, quel que soit notre
niveau. Il nous faut observer, apprécier, comparer, chercher le geste, corriger
et recommencer. Nos sens de la mesure, de la proportion, de l’équilibre sont
sollicités. La lecture d’une courbe demande une sensibilité fine, et pour la
retracer il nous faut confiance et volonté et une inlassable humilité.
Percevoir les relations entre les lignes, l’harmonie générale, le mouvement de
vie qui habite l’image nous oblige à prendre du recul, à ouvrir notre regard.
Cet effort de conformité nous informe et
nous transforme non seulement psychiquement mais dans notre être. Ces formes
tracées sur la planche entrent en résonnance avec ce qui leur correspond dans
nôtre âme.
Calligraphier ces
lignes, c’est comme jouer une note juste
avec un violon, il nous faut aller chercher cela en nous-mêmes par un acte
volontaire. Et cet effort éveille en nous des forces qui étaient en jachère, en même temps nous entrons
en contact avec l’intention des maîtres byzantins, avec la qualité spirituelle
dans laquelle ils ont créé ces formes. La qualité spirituelle d’un dessin nous
permet de nous relier concrètement avec quelque chose qui nous dépasse, à ce
moment là nous pouvons avoir l’impression d’appartenir à un mouvement de vie,
d’y participer il y a comme un changement de perspective, ce n’est plus
« moi » qui est au centre avec mes préoccupations et mes émotions.
Lorsque nous dessinons un corps nous ne reproduisons pas la morphologie
visible d’un homme ordinaire, nous étudions la vie intérieure d’un saint.
Dans l’icône la ligne doit être comme la Parole concise
précise et féconde, elle manifeste le mouvement de l’intelligence divine. Toute
l’image repose, jusqu’à son aboutissement, sur cette structure sobre et
dynamique qui contient l’énergie de la couleur et porte le rayonnement de la
lumière. Chaque trait a sa raison d’être et est relié aux autres, non seulement
pour décrire les formes mais également pour suggérer un état.
Quand nous dessinons au pinceau sur la planche toutes nos
forces participent. Il nous faut faire attention à trois choses :
-le rôle de telle ligne dans l’ensemble de la
composition, sa trajectoire de son point de départ jusqu’à sa fin.
-sa forme propre avec ses nuances, ses pleins et déliés,
sa force ou sa finesse qu’il faut
éprouver intérieurement, aller chercher dans les profondeurs de l’être.
- le meilleur geste pour la tracer : orientation de
la planche, position de la main, du bras et même de la colonne jusqu’à
l’assise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire